Une journée Ystarienne

Publié le par Azumanurlin

Une journée Ystarienne

Bonjour à tous, et bonjour à toi qui me lis,

Le samedi 7 février 2015 fut une journée riche et agréable. Dès le début d'après-midi, l'équipe de la boîte d'édition ludique Ystari, était présente dans le magasin de jeu Camisole de Rouen. Cela faisait deux semaines qu'on avait annoncé leur venue et je devenais de plus en plus impatient à mesure que ce jour arrivait.

Mais pourquoi autant d'engouement, vous demandez-vous ? La réponse est simple : Rare sont les jeux Ystari que je n'aime pas. Mais techniquement, je n'en ai qu'une grosse moitié.

C'est donc avec grand plaisir que je me rends dans mon magasin préféré pour y rencontrer ceux qui me font ludiquement rêver.

Camisole avait annoncé la venue de représentant Ystari pour cet après-midi ludique :


Annonce de Camisole ©Camisole

Dominique Bodin

Auteur du dernier succès Ystari : Witness, Dominique Bodin proposait, aux visiteurs et joueurs rouennais et rouennaises, de percer des mystères dans l'univers d'Edgar P. Jacobs de Black et Mortimer.


Dominique Bodin (à gauche en gris) et Thomas Cauet (au milieu en rouge)

Thomas Cauet

Rédacteur chez Ystari et auteur d'un scénario de Sherlock Holmes : Détective Conseil, était présent pour présenter la prochaine sortie Ystari : Starfighter.


©Camisole

Arnaud Demaegd

Artiste peintre et illustrateur de la majeure partie des jeux Ystari. Il était présent pour dédicacer des boîtes. Son travail durant cette journée a dû fatiguer sa main mais son boulot est remarquable.


Arnaud Demaegd, pull rayé orange et noir ©Camisole


Il est d'ailleurs venu avec sa dernière réalisation, sublimement magnifique

Et nous avons eu l'agréable surprise de voir débarquer, le non moins patron Ystari, Cyril Demaegd.


Mr Cyril, lui-même, en personne, à Camisole ©Camisole

Mais venons-en à mon cas particulier...

Il était une fois...

Ce samedi devait être pour moi un samedi habituel mais avec une soirée avec Ystari au Strata... J'aime (le fameux bar ludique de Rouen). Mais suite à des évènements échappant à ma volonté, j'ai pu venir dès le début d'après-midi à la boutique. J'étais passé rapidement à mon studio avant pour chercher les boîtes à dédicacer. J'ai dépilé mes jeux pour trouver ceux que j'allais emmenés et je me retrouve en route vers Camisole. Arriver sur place, j'y découvre mes amis de Ludopolys en pleine partie de ce qui semble être un proto.


Cyril expliquant l'un des futurs jeux en plein test

Cyril me confie que cette version a été repensé la veille et que c'est une première pour lui de présenter aussi tôt un proto à des joueurs non-ystarien. Le thème me plaît. Nous avons 6 jours pour monter une pièce de théâtre. Pour ce faire, nous allons utiliser l'argent du roi pour confectionner des costumes, monter le décor et recruter des artistes (que nous devrons payer en fin de partie, les rapiats) pour répéter.
Vous l'aurez compris, on ne pourra pas tout faire. De plus, certaines ressources valent plus chère que d'autres. Offrant des costumes ou des décors plus prestigieux.


Piste commune des répétions et plateaux individuels pour les recrutements, décors et costumes

Ceci n'est bien évidemment que la première mouture d'un jeu qui demande à mûrir.


Fin de partie, calculs des points

Je ne souhaite que du bien pour ce jeu qui me donne très envie. J'ai même demandé à Cyril si le soir-même il pourrait le sortir pour une partie. Il m'a annoncé qu'il voudrait bien voir le jeu tourner avec quatre joueurs dans cette nouvelle version remaniée de la veille.

Durant la partie, j'ai tout de même sorti mon Ys pour que l'auteur puisse y apposer son graphe.

Juste à côté, Arnaud s'affaire à ses illustrations. Puis, discrètement je lui glisse mon Sherlock en demandant une illustration délicate : Un buste égyptien dont une moitié est sous forme de momie.


Arnaud illustrant mon égyptien

N'étant pas en reste, je lui mets entre les mains mon Caylus et il me propose une illustration du prévôt. Sadique comme je suis, un détail supplémentaire devra faire son apparition...

Un chat sur l'épaule.

Il me dit que les chats ne sont pas sa spécialité, mais je lui fais remarque que ce n'était pas très grave s'il ne réussissait pas au poil un chat. Mais c'est sans compter sans son incroyable talent.


Résultat : Merci, Arnaud !
©Camisole

Puis Cyril propose à Thomas de sortir un autre proto de leur sac. Celui-ci m'avait par ailleurs dédicacé mon exemplaire du scénario L'assassin habite au 221. Il m'avoue ne pas avoir l'habitude de dédicacer mais ce prend au jeu.

Je m'empresse donc de m'assoir et d'écouter avidement les explications. Ce proto est un petit jeu de placement de dé et de récupération de ressource.


En pleine partie d'un jeu sans nom

Il va nous falloir lancer nos dés, puis les placer autour d'une grille 4x4 pour récupérer des ressources qui rapporteront des points de victoire chaque fois que nous aurons un lot complet. Il y a bien évidemment des ressources négatives. Des sorts pourront être lancés pour manipuler le jeu le temps d'un tour.
Je n'ai pas gagné, mais j'ai beaucoup aimé le principe et la mécanique. Pour le moment, le thème utilisé est celui de l'alchimie. On récupère de l'énergie pour utiliser des sorts.

Nous avons même donné notre avis, notre ressentie et donner quelques pistes pour améliorer, voir transcender cette version. Mes chevilles enflent à vue d'œil...

Et là, vous vous dites : Mais pourquoi ne parle-t-il pas de Dominique Bodin ? J'y viens.
Remontons quelques heures en arrière. J'arrive à Camisole et je suis subjugué par l'équipe Ystari. De mon sac dépassent des couvercles de jeux prêts à être dédicacées. Je fais le tour de mes boîtes et je me rends compte qu'il me manque la plus importante.

Celle de Witness.


Mais où est-elle ? Qu'en as-tu fais ?

Je l'ai carrément oubliée chez moi. Honte et peine.
Heureusement que je retrouve l'équipe Ystari au restau ce soir.

Mais je ne suis pas en reste et je m'offre le premier jeu de Dominique Bodin, le très controversé On the dot (anciennement Vitrail, qui a dû changer de nom à cause de droits aux US)


Sur une boîte métal, quoi de mieux qu'un marqueur d'or ?

En discutant avec Dominique, après lui vouer une admiration sans borne pour Witness, j'apprends qu'il a contribué au scénario de Thomas et eux deux m'affirment que leur scénario doit se jouer en dernier dans le pack Carlton House. N'ayant encore commencé aucun des scénarios du Carlton House, je leur promets de bien prendre mon temps pour trouver une solution qui, selon leurs dires, est difficilement trouvable. La solution t'offrira une belle surprise.

Puis le soir arrivant, je m'éclipse rapidement pour retourner à mon studio récupérer mon Witness et prendre la direction du Strata... J'aime.

L'interview du soir

Je suis attablé aux côtés de Cyril et nous discutons de choses et d'autres. Il me promet de prendre du temps pour une petite interview de 15-20 minutes. Nous mangeons et nous sortons à l'extérieur pour être au calme. Je vous rappelle que nous sommes en Normandie au mois de février aux alentours de 22h. Il fait froid.

La première question qui vient naturellement à l'esprit est celle du premier jeu. La réponse est Ys, son premier jeu édité en 2004, mais il se souvient qu'à l'école, déjà petit, il avait amélioré le jeu de l'oie. La liste de ses jeux est réduite à 3 :

  1. Ys, suivis de son extension Ys+
  2. Amyitis
  3. Bombay

Bientôt arrivera un jeu en co-auteur : Timeline Challenge, avec l'auteur original des Timeline, Frédéric Henry.

Mais tout ça, c'est chez lui, chez Ystari Games, qu'ils sont édités. Mais comment lui est venue l'idée de créer sa maison d'édition ? Cyril le dit lui-même. À l'époque, peut de boîte d'édition existaient. Asmodée venait d'arriver. Cocktail Game n'avait pas son style de jeu. Tilsit et Descartes l'étaient puis ont disparus. Il y avait moins de concurrence et il voulait sortir des jeux pour jouer, des jeux de gestions, des jeux pour joueurs avertis et ceci pour la France, l'Allemagne et les USA.
Avant de créer Ystari, il était informaticien et a aussi vendu des jeux dans une boutique. Puis lorsqu'Ys est sorti, cela a eu du succès.

Le second jeu, il l'a signé avec William Attia. C'est avant tout Caylus qui porta Ystari sur le devant de la scène. Depuis la première édition en 2005, plusieurs éditions ont germé. Cela fait 10 ans et tous disent que Caylus est un classique.

Lorsque l'on regarde les premiers jeux Ystari, on remarque la redondance des deux lettres Y et S dans son nom d'éditeur et ses jeux. La question le fait sourire car ce n'est pas lui qui a remarqué le premier cette particularité.
Ys était une ville mythique bretonne, engloutie sous les eaux. Caylus est une ville du Midi-Pyrénées dont son château fut construit suite à l'acquisition du castrum, camp de chevalier fortifier. Thomas fit remarquer cette coïncidence et sur les jeux qui suivirent, ils prirent le parti d'y incorporer nos deux lettres Y et S. Ce qui donna Mykerinos, Yspahan, Amyitis, Metropolys, Sylla, Assyria, Asteroyds, Mousquetaire du Roy, Olympos et Myrmes. Apparemment, il est très difficile de générer des titres avec Y et S dans leur nom. Ainsi, si Y et S n'est une coïncidence pour les débuts d'Ystari, les derniers jeux n'ont rien d'un hasard. Cyril voit ça comme un m-YS-tère.

Sur la question de la création, Cyril s'accorde à dire qu'une moyenne de 2 ans sont nécessaires pour mener à bien un projet ludique. Mais quel jeu retient son attention ?
L'intérêt que Cyril porte à un jeu, est principalement l'envie d'y jouer. Si un auteur commence à expliquer son jeu, s'il a envie de jouer avant la fin des règles, c'est sur la bonne voie. Beaucoup de proto lui arrive entre les mains. Dix pourcents retiennent son attention et seul 1% d'entre-eux seront édités. La loi est dure.
Un jeu doit-être jugé par des professionnels. La famille et les amis ne sont pas objectifs et ne diront jamais de mal du jeu qu'on leur présente. Il faut savoir être critique sur son projet ludique. Peu d'auteurs arrivent à vivre de leur métier d'auteur. Quelques élus seulement en France le peuvent. Antoine Bauza ayant reçu deux Spiel des Jahres (7 Wonders et Hanabi), Bruno Cathala qui sort une multitude de jeux par ans et Bruno Faidutti avec le classique Citadelles peuvent se le permettre de justesse. Frédéric Henry, qui mise tout sur ses succès d'auteur tente difficilement d'en vivre, même s'il a son nom sur tous les Timeline.

L'exemple le plus proche est celui de Dominique Bodin qui est professeur de mathématiques.

Être éditeur est tout aussi difficile. De jeunes auteurs pensent percer par leurs propres moyens mais ont des difficultés à sortir la tête de l'eau. Les rares éditeurs élus ont avec eux des relations. Alain Balay (Blue Cocker) et Régis Bonnessée (Libellud) sont deux contre-exemples car ils viennent, et l'un et l'autre du milieu de l'édition et de l'animation ludique.
De plus, toujours à l'époque, trouver un distributeur était aussi facile que de décroché son téléphone et d'appeler 3 numéros : Asmodée, Iello et Millenium.

Mais revenons aux deux années de production ludique. La grande partie du temps sera concentrée sur des discutions, des tests, des réglages. Puis le moment venu, lorsque l'auteur n'aura probablement plus rien à apporter de neuf, l'équipe Ystari reprend le bébé, et y appose la patte Ystari. Cette patte qui fait d'un jeu Ystari ce qu'il est. Juste cette touche Ystarienne qui fait que l'on sait d'où il vient.

Mais la patte Ystari ne fonctionne que pour les jeux produits par Ystari. Car Ystari possède des gammes :

  • Les Ystari Games : jeux produits, développer et édités par Ystari
  • Les Ystari Vintage : anciens jeux réédités et traduit pour la France (gamme stoppée)
  • Les Ystari Plus : jeux étrangers, traduit et édités pour la France (Ystari à d'ailleurs récupérer les droits venant à terme, auprès de Filosofia, de la saga Dominion)

On peut d'ailleurs sur leur site ces gammes sous les noms d'originaux, de traduction et une autre de coédition (principalement avec Cocktail Games ou Scorpion Masqué au Canada).

La discussion, plutôt que l'interview, c'est porté sur les valeurs d'Ystari et celles de Cyril en particulier. La question qui l'amena à y répondre était pourtant anodine : As-tu un jeu que tu regrettes d'avoir édité ?
Cyril m'a clairement répondu par l'infirmative. Il n'a aucun regret. Pour lui, Ystari doit vivre pour des idées. Et le mot qui caractérise Ystari est sans nul doute l'honneur. Les jeux édités doivent être honorables. Qu'ils aient du succès ou non, tant qu'ils ont honorable, ils méritent d'être chez Ystari.

Pour finir, j'ai évoqué la question du Kickstarter. Sa réponse n'a pas été concluante. L'explication en est simple. Cyril a vu l'acharnement de Frédéric Henry sur le projet de Conan. Le boulot que cela prend, les contraintes et le peu de retomber financière (c'est l'éditeur qui parle) d'un projet kickstarter. Il trouve normal que certains projets soient kickstartés (tels les jeux avec figurines comme Zombicide ou Conan) mais pour Ystari il n'en voit pas l'utilité.
Seulement, la perspective d'une édition supra de luxe d'un Caylus pour les 20 ans d'existence ne ferme pas les portes du crowdfunding. Mais d'ici-là, le monde aura évolué, et il existera peut-être autre chose qui laissera le participatif sur le bas-côté de la route.

Les questions que je n'ai pas pu posées

Je n'ai pas tout relaté de notre conversation, car j'ai voulu garder quelques informations pour moi (privilégié que je suis). Mais il est des questions qui n'ont pas été posées.

À propos des jeux édités qu'il regrette d'avoir laissés passer. Ou de son implication dans les Space Cowboys. De son cursus. De ses idées. Du progrès technologique arrivant dans le monde ludique. Et tant d'autres choses passionnantes.

Mais je n'avais pas assez d'une heure pour parler de tout ça dans le froid hivernal de Normandie en pleine nuit. Car, oui, nous y avons passé plus d'une heure. Les 15 à 20 minutes se sont vite transformées en heure. Je n'ai pas vu le temps passer, et Cyril non plus. Nous aurions pu rester à discuter encore longtemps si je n'avais pas soulevé le faite que je n'avais pas joué au proto sur le théâtre.

Fin de soirée

Malheureusement, il commençait à se faire tard et nous n'avions plus de temps pour une partie. J'ai tout de même ouvert un Witness avec quelques amis. L'auteur était là, pourquoi ce privé des remarques désagréable et des rires que nous avons eu en lisant nos indices, puis en les faisant circuler de bouches-à-oreilles.
Nous avons souhaité bonne route aux Ystariens car ils retournaient sur Paris dans la nuit.

Suite à cela, Marc Brunnenkant (l'auteur de Prohis) avait amené son proto sur un thème d'enchère et de combo de cartes que j'ai agréablement aimé, même si pour une première partie il est difficile de bien cerné le jeu des autres pour les contrer. Bref, la seconde partie ne se passera pas de la même façon, même après quelques réglages. À bonne entendeur.

Cette journée fut donc riche en émotion. Admiratif du travail de Cyril, de son équipe et du talent de son frère Arnaud. Heureux d'avoir côtoyé et discuter avec l'un des plus grands représentants français du monde ludique. J'aimerais beaucoup le rencontrer à nouveau, pourquoi pas autour d'un jeu, et lui posé les questions qui m'ont manquées. J'aurais aussi voulu interviewer Arnaud et Dominique, mais je n'en ai pas eu le temps. Une prochaine fois peut-être.

 

Ludiquement Vôtre,
Azumanurlin.

 

PS : Je remercie Camisole pour les photos qu'il a gracieusement accepté de me partager.


Mon égyptien et autres œuvres d'Arnaud Demaegd ©Camisole

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